从若干角度而言,刘商英的作品皆是难以归类的。人们或许会将它列为抽象,倘若仅仅考虑画布上覆跨迭搭、边界不清的色面。然则绘画史予我们以这样的印象:所谓抽象,在于消除一切可辨认的外界形式。刘商英的作品却不然。他的每幅绘画,均以材料的层块依循风景的结构进行组织:横向的两带或似天地,其间现出一抹曲折的地平线,仿佛海西褶皱一般。然而,刘商英确非经典意义上的风景画家,因为其定义要求艺术家的作品忠实于自然景象的再现。刘商英不绘画风景,他在风景之内绘画。
刘商英的创造与他的绘画行为密不可分。他的工作状态撼人心魄:在高海拔的偏僻旷野中央,藏地群山环抱之间,作一简易安扎处;其绘画的身法态势,好似正与茫茫大块的空间展开无声的搏斗。壮观的脚手架支起巨幅的画布,屏立于目光与自然之间,如同画家视野的断截面。然而,自然素材与他的绘画既非位似关系,亦无相像可言。他铺用绘画物质的工具有笔、刮、铲、耙、刷;画时先向四周的光线稍作一瞥,便癫狂地在画布表面大开大阖,且刷且抹,匀净之,溅污之,复以新作的厚层压覆在旧层上。试问:如此一边观看一边行笔,画的对象究竟是什么?
对于这一绘画实践,身体行为极其重要。它甚至近乎行动绘画(action painting),倘若结果为纯粹的抽象。刘商英的绘画固然不是具象的,却仍与素材的肖似轻掠而过,原因在于它传达了艺术家同外界的映象之间深切而私密的关联。实现这样一件作品,往往需要数日的工作,其间断续着采汇与沉思。他在创作中度过的时间,是苦行的时间。惟其苦行,方能以虚空的怀抱,抵及世界原初的感知,超脱我们辨认万物万灵的形廓所依据的范畴。冲动而痉挛的创作手法顺从着光线的召唤,绘画正是对这一召唤的回应,任由世界的可感物质涌现于画布表面,甚至未及加以识察。
画家不再参照自然、视之为有待转写的范本;他画的是这一参照关系本身,将其把握为关键。因此,他的作品布满了大量的绘画事件,物质的斑块、涂改、撕落的痕迹,在杂色的拼嵌中产生了形象的意图性。这全部的绘画事实,迸射、飞边、泼溅或者厚涂,在刘商英的作品中有着矛盾的作用:它们既参与了主题的构建,又擅取了存在的权利;其存在之强烈不逊于它们本身引人联想的肖似。它们赋予绘画物质以反复无常的气候感(intempérie),在不同画作中演化出多样的氛围,一如其自身造型上的潜在性。刘商英的艺术在于设立这一奇异的方程:此端是绘画,彼端是它为观者呈现的关乎绘画本身与艺术家感知的一切可能。罗贝尔·布贾德(Robert Pujade)法国普罗旺斯大学艺术美学教授Liu Shangying et l'ascèse de la peinture.
A bien des égards, l'œuvre de Liu Shangying est inclassable. On serait tenté de la rapprocher de l'abstraction à ne considérer que les plages de couleurs qui se chevauchent sur la toile sans délimiter de contours. Mais l'abstraction, dans le souvenir que nous en a laissé l'histoire de la peinture, est associée à la suppression de toute référence aux formes reconnaissables du monde. Or en chacun des tableaux qu'il compose, le peintre dispose des couches de matière organisées comme les plans qui structurent un paysage : deux zones transversales qui pourraient être le ciel et la terre entre lesquelles se profile un horizon torturé comme par des plissements hercyniens. Liu Shangying n'est cependant pas un peintre paysager au sens classique du terme qui suppose que l'œuvre de l'artiste soit fidèle à la représentation d'une scène naturelle. Il ne peint pas le paysage, mais il peint dans le paysage.
Sa pratique de peintre est indissociable de sa création et il est fascinant de le voir en plein travail : dans un campement de fortune isolé à très haute altitude, au milieu de montagnes tibétaines, sa gestuelle artistique se déploie comme le mime d'un combat avec le vide des espaces grandioses. Il installe des échafaudages gigantesques propres à retenir ses immenses toiles qui s'interposent entre son regard et la nature, à la manière d'un plan de coupe dans son champ de vision. Et pourtant, le rapport du motif à la peinture n'est pas celui d'une homothétie ou d'une ressemblance. Il applique la matière picturale à l'aide de brosses, de racloirs, de spatules, de râteaux et de pinceaux après avoir jeté un regard furtif sur la lumière qui l'entoure. Puis, avec frénésie, il enduit de long en large la surface de la toile, la brosse, la polit, la ratisse, l'éclabousse et recouvre d'épaisseurs nouvelles des plages déjà peintes. Que peint-il ainsi qu'il regarde juste avant de passer à l'acte ?
L'importance de la performance physique rapprocherait cette pratique de l'Action Painting, si son résultat était parfaitement abstrait. Mais la peinture de Liu Shangying, sans jamais être figurative, frôle la similitude avec le motif parce qu'elle traduit une intimité profonde et personnelle de l'artiste avec les impressions reçues du monde extérieur. Le cheminement qui conduit à la réalisation d'une œuvre réclame parfois plusieurs jours d'un travail entrecoupé de recueillements. Le temps passé à produire est celui d'une ascèse qui permet de faire le vide en soi-même pour atteindre une perception originelle du monde, libérée des catégories à travers lesquelles nous identifions le contour des vivants et des choses. Ainsi les gestes pulsionnels et convulsifs lors de l'exécution du tableau obéissent à un appel singulier de la lumière et la peinture n'est rien d'autre qu'une réponse à cet appel qui laisse affleurer sur la toile la matière sensible du monde avant même qu'elle ne soit reconnue.
Le peintre ne fait donc pas référence à la nature comme à un modèle qui serait à retranscrire, mais il ne peint que cette référence elle-même saisie à un niveau primordial. C'est pourquoi les toiles sont parcourues par un ensemble d'évènements picturaux, des macules, des ratures, des dégoulinures de matière qui produisent l'intention imageante de cette mosaïque de surfaces bigarrées. Tous ces faits de peinture, giclures, coulures, éclaboussures ou empâtements ont un statut ambivalent dans l'œuvre de Liu Shangying : ils participent à la construction du sujet tout en s'arrogeant un droit de présence aussi fort que la ressemblance à laquelle ils peuvent faire songer. Ils confèrent à la matière picturale une valeur d'intempérie déclinant les variations d'ambiance ou d'atmosphère d'un tableau à un autre, autant que la puissance de ses propres virtualités plastiques. Tout l'art de Liu Shangying est d'instituer cette équation magique entre la peinture et ce qu'elle est susceptible de nous démontrer à la fois sur elle-même et sur la perception de l'artiste.Robert PujadeMaître de Confeérences d'Estheétique et Sciences de l'artUniversiteé de ProvenceLiu Shangying and the Asceticism of Painting
In many ways, the work of Liu Shangying is unclassifiable. One might be tempted to refer to it as abstraction, if he considers only the overlapping planes of color on the canvases with undefined contours. But the abstraction as in the memory that the history of painting has left us, has been associated with the rejection of any reference to recognizable forms from the world. However, in each of these paintings, the artist has organized layers of material as landscape scenes: two transversal areas could be heaven and earth, between which a tortured horizon is emerging as if by Hercynian orogeny. Still, Liu Shangying is not a landscape painter in the classical sense, which implies that the work of the artist should faithfully represent a natural scene. He does not paint the landscape, but he paints in the landscape.
His painting practice is inseparable from his creation, and it is fascinating to see him at work: in a remote makeshift camp at high altitude, surrounded by Tibetan mountains, his artistic gestures are like the mime of a fight with the vacant immense space. He erects giant scaffoldings only to prop the huge canvases which stand between his sight and the Nature, in the way of a cutting plane in his visual field. Yet the relationship between the motif and the painting is neither homothety nor similitude. He applies the pictorial material with brushes, scrapers, spatulas and rakes, after casting a furtive glance at the light that surrounds him. Then, frantically, his hand runs throughout the surface of the canvas, brushes it, polishes it, rakes it, splashes it, and covers new impasto onto previously painted layers. So what does he paint if he looks just before going into action?
Due to the importance of physical performance, his practice would be similar to that of Action Painting, if the result was pure abstraction. But the painting of Liu Shangying, without ever being figurative, subtly touches the similitude with the motif because it reflects a profound and personal intimity of the artist with the impressions received from the outside world. The realization of a piece might require several days of work, interrupted by contemplation. The time spent to produce is that of an asceticism aiming at emptying oneself to achieve an original perception of the world, free from the categories through which we identify the outline of the living and things. Thus the impulsive and convulsive gestures during the creation obey the singular call of the light, and painting is nothing but a response to this call, so that on the canvas emerges sensitive material of the world before it was even recognized.
The artist therefore does not refer to Nature as a model to transcribe, but what he paints is the reference itself, apprehended at a primordial level. This is why these paintings are traversed by a number of pictorial events, macules, erasures, drippings of matter, which produce the imaging intention of the mosaic with variegated surfaces. All these painting facts, squirts, drippings, splashes or impasto have an ambivalent status in the work of Liu Shangying: they participate in the construction of the subject, while arrogating to themselves the right of presence which is as strong as the resemblance which they can to think. They give to the pictorial matter a value of the " weather inconstancy" (French : intempéries), which allows an declension of the ambiance or the atmosphere variating from one painting to another, as powerful as its own plastic potentialities. The whole art of Liu Shangying is to establish a magic equation between painting and what it is capable of revealing to us both about itself and about the perception of the artist.Robert PujadeProfessor of Esthetics and Sciences of ArtUniversity of Provence
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《蕉趣》
吴东俣作品 / 68×68cm / 软片未裱